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Viol : le serpent qui se mord la queue

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Je vous disais l’autre jour que j’étais épuisée. Aujourd’hui, j’oscille entre colère noire, abattement, haine, rage et tristesse.

C’est difficile d’être une utopiste quand le monde vous hurle que vous pouvez bien vous démener, vous pouvez bien relever la tête et hurler, de toute façon, vous ne brasserez que du vent.

Je pense à l’affaire des violeurs de Fontenay et, putain, vous ne pouvez pas savoir ce que ça me fait.

Les faits divers sordides, les histoires de viols, d’agressions, de violences conjugales, j’en vois passer sur les réseaux sociaux. Pas une semaine sans. La plupart du temps je ne clique pas. A quoi ça sert de cliquer quand on sait déjà ce qu’on va lire ?

J’ai la « chance » de ne pas avoir été violée. J’ai la « malchance » d’avoir « juste » été agressée sexuellement quand j’avais 15 ans. Si je devais faire une comparaison je dirais que c’est comme un bleu : on oublie qu’on vit avec jusqu’au moment où on se cogne sur un coin du bureau et où ça réactive tout.

La première personne qui m’a touchée l’a fait sans mon consentement et j’ai la haine, la Haine, d’avoir commencé ma vie sexuelle sur ça. Cette grosse bavure indélébile, je vais me la traîner jusqu’à la tombe, avec toute la charge d’affects que ça ne manquera pas de déclencher en moi épisodiquement – à chaque fois, je me dis que c’est la dernière fois, que ça y est j’ai encaissé, mais la vérité c’est que ça te colle à la peau, que ça fait partie de toi désormais, que cet épisode ne sera jamais complétement vidé de sa charge émotionnelle.

Je ne porterai pas plainte parce que ma situation ne me le permet pas, parce que j’ai socialement plus à perdre qu’à y gagner. C’est un calcul froid et réfléchi de ma part. J’estime que je n’ai pas à me sentir obligé de m’infliger une peine supplémentaire, quelles que soient les belles phrases creuses que certain-e-s te sortent sur la « nécessité de porter plainte ».

Mais si je ne porte pas plainte c’est aussi parce que cette société n’est pas prête d’admettre que ma situation existe. Le serpent se mord la queue et moi je ris jaune.

On n’y arrivera pas.

Parce qu’on se persuade que les histoires glauques, c’est toujours chez les autres. Ça se fait pas dans ta cage d’escalier, ça se fait pas au sein de ce couple d’amis que tu fréquentes, ça se fait pas dans la chambre de ton cousin. Les victimes, ce sont des inconnues, de pauvres femmes dans les journaux, et les coupables des désaxés sociopathes aisément reconnaissables. Si ça se passait dans ton entourage, tu n’y croirais pas une seule petite seconde.

Après tout, il a une vie de famille, un boulot, même que parfois il est Blanc. Et il est si gentil, si serviable. Ça ne peut pas être un agresseur ! C’est donc qu’elle affabule, qu’elle se créé une identité de victime pour mieux le salir, lui.

Et moi, devant cette argumentation de merde, j’ai envie de secouer les gens et de leur crier à la face :

Mais, bon sang, atterris ! Mon agresseur est EXACTEMENT comme ça.

Je te le présenterai que t’y croirais pas. Et c’est bien pour ça que, maligne comme je suis, je préfère me la fermer.

On n’y arrivera pas. Je ne parviens plus à y croire.


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